dimanche 13 juillet 2008

Ultimes concerts : Karajan, Quatuor Alban Berg, Masur.












Herbert von Karajan, le quatuor Alban Berg, Kurt Masur : le lien entre ces musiciens? Ils ont tous donné leur dernier concert parisien au théâtre des Champs-Élysées. La salle était à chaque fois pleine, cela va sans dire. Elle était silencieuse, ce qui n'est pas si fréquent en France. Elle retenait son souffle, ce qui est le signe d'un événement rare.

Pour Karajan, à la fin des années 1980, le maestro était très affaibli et avait du mal à marcher. Quand il entre sur scène, pour diriger les quatre derniers Lieder de Richard Strauss, il lui faut un temps infini pour se déplacer et venir au centre se caler sur une barre. Les regards sont portés sur lui, dans ce moment de détresse et d'orgueil mêlés, lui qui avait géré son image comme un homme de communication en avance sur son temps. Lui, aussi, dont le passé politique et carriériste n'avait guère été brillant sous le Troisième Reich. Lui qui avait fait ce qu'il fallait pour prendre la place du grand Wilhelm Furtwängler. Bien sûr, à ce moment précis où il nous fait face dans cette salle, la plus belle de Paris, nous n'y pensons pas. Nous allons vivre un moment unique, non pas commandé par la seule émotion de voir ce chef à la fin de son parcours, mais parce que la musique va être d'une force incroyable, dans un tempo lent d'une densité exceptionnelle.

C'est ça, le concert public : le moment où, en regardant le chef et les interprètes, vous pénétrez à travers eux dans la musique, au plus profond de son intimité. La scène visuelle ne fait jamais écran au son, elle l'accompagne, elle vous permet d'éprouver la geste la plus épurée : ainsi les Alban Berg. C'est un privilège de voir leurs derniers concerts. Si vous êtes amateur de musique de chambre, vous connaissez déjà les œuvres qui'ls vont jouer, en cet hiver et au printemps 2008. Vous savez qu'ils vont commencer par le plus classique, Haydn, puis passer au répertoire de celui dont ils ont pris le nom, Berg, et terminer par les derniers quatuors de Beethoven. Vous avez remarqué qu'une femme est désormais parmi eux, sans doute liée au décès de l'un d'entre eux, et signe en tout cas de l'évolution d'un univers encore très masculin. Vous vous demandez si, en rappel, après la cavatine, ils vont jouer la grande fugue. Ils ne le font pas. Elle ne peut pas être jouée en bis, c'est impossible. Reviendront-ils un jour uniquement pour elle?

Puis c'est le dernier concert de Kurt Masur à la tête de l'Orchestre national de France, samedi 12 juillet. Après Leipzig et New York, Masur avait pris l'ONF et l'avait hissé très haut. Voici la 9ème de Beethoven. Très connue. Trop connue? Non, car, et c'est cela qui advient dans un concert, le chef peut travailler notre perception de l'œuvre par de petites inflexions, comme celle tendant à nous faire entendre le rôle des bois, en particulier, dans la composition de cette ultime symphonie de Beethoven. Ils sont placés derrière la grande masse des cordes, mais bien au centre. Vous pouvez voir le hautbois qui intervient, car le chef vient de lui faire un signe. Encore une fois, la vision vous aide, via la direction d'orchestre, à saisir la complexité de la construction musicale. La Maîtrise de Radio France, au premier rang de laquelle se trouve Raphaëlle Rose, se lève. L'ode à la joie va commencer.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Belle évocation de la relation
entre l'oeil et l'oreille.