jeudi 3 avril 2008


Une équipe du Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po Paris placée sous la direction de Jacques Sémelin, vient de lancer une nouvelle encyclopédie électronique internationale en langue anglaise dédiée à l'histoire des "violences de masse" au vingtième siècle. À ce projet est en particulier associé l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS), représenté par Christian Ingrao et par Nicolas Werth.

Si l'intitulé peut paraître discutable, au regard des spécificités de chacune des violences évoquées, il permet de rassembler sous un même vocable l'ensemble des crimes auxquels "les acteurs étatiques ou non étatiques en conflit font souvent référence dans leurs discours", mais en les qualifiant le plus souvent de "massacres et atrocités du passé (avérés ou non) pour justifier et légitimer leur propre violence". Ce travail d'histoire se situe donc dans le temps présent des multiples pressions et distorsions mémorielles qui brouillent la compréhension des faits survenus, qu'il s'agit d'étayer et de rendre lisibles. En reprenant ainsi la main, les spécialistes internationaux qui composent le comité de rédaction recentrent l'analyse sur les fondamentaux de la recherche historique : présentation des faits sous une forme chronologique ("Chronological Indexes"), renvoyant à des entrées par continent et par pays ("Asie", "Cambodge"), avec une variante transnationale ("Transnational Mass Violence") qui mêle la chute de l'Empire ottoman, l'Asie-Pacifique sous occupation japonaise pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'Europe nazie et l'Union soviétique ; études de cas ("Case Studies") ; aperçus problématiques rédigés par des chercheurs reprenant les mêmes entrées ("Scholarly Reviews") ; enfin approches théoriques générales ("Theoretical Papers") s'attachant aussi bien à la question du nettoyage ethnique ou de l'apport de l'anthroplogie à l'étude des guerres.

En ne prenant pas en compte comme entrées les qualifications de "génocide", de "crime contre l'humanité" ou encore de "crimes de guerre", l'encyclopédie prend délibérément ses distances avec les qualifications juridiques qui permettent depuis les procès de Nuremberg de juger ces "violences de masse". Est-il vraiment possible de décider, de manière volontariste, de pratiquer une histoire positiviste, objective, recentrée sur une approche systémique des sciences sociales ?
La présence de William Schabas et de Ben Kiernan dans le comité éditorial laisse pourtant augurer de vives discussions autour du procès des Khmers Rouges, actuellement en préparation au Cambodge, et de la question de la qualification ou non en génocide des crimes qu'ils ont commis. j'y reviendrai dès l'ouverture du procès, prévu dans quelques mois à Phnom Penh, auquel je consacrerai des articles réguliers. Dès à présent, je signale que la meilleure veille journalistique de la préparation du procès est assurée par le journal en ligne Cambodge soir.


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