Les questions de vérité de l'image et de ses usages à l'heure du numérique sont au cœur de ce livre, composé par trois historiens spécialistes.
Est abordée tout d'abord la fabrication de l'image photographique, cinématographique, télévisuelle et numérique contemporaine : à partir de l'exemple fameux du « Baiser de l'hôtel de ville » de Robert Doisneau et du faux charnier de Timisoara, la question du statut de vérité sera posée.
Ensuite l'évolution depuis 1945 de la représentation visuelle du débarquement allié en Normandie, met en évidence la manière ont se constitue la mémoire d'un événement, que ce soit sous la forme documentaire ou fictionnelle. Si, jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, l'image était surtout le fait de professionnels, garantissant par leur déontologie l'honnêteté de leur prise de vues, l'apparition d'images « amateurs » dotées d'un intérêt historique a bouleversé les conditions d'attestation d'événements survenant brutalement : c'est le cas de l'assassinat de John Kennedy en 1963 ou des premiers enregistrements de l'attentat contre le World Trade Center à New York en 2001. L'évolution d'un photographe comme Gilles Caron était déjà significative des changements intervenus dans l'étendue et les modes de l'information contemporaine.
Si les frontières entre réalité et virtualité semblent désormais très poreuses, cela ne signifie pas pour autant qu'elles sont brouillées au point de ne plus savoir dans quel monde nous nous situons. La modélisation virtuelle s'inspire souvent de la réalité pour parfois mieux la comprendre ou la gérer : les jeux vidéo servent aussi à matérialiser des situations de stratégie militaire permettant de mieux gérer les situations extrêmes auxquelles sont confrontés les soldats et les civils impliqués dans des guerres urbaines. Les héroïnes digitales modernes comme Lara Croft finissent aussi par s'incarner dans de sculpturales actrices dont l'aura vient précisément de la manière dont elles prennent les traits de personnages conçus sur ordinateur.
Si les images sont toujours évaluées en fonction de leur pertinence événementielle et figurative, ce sont davantage les usages qui peuvent prêter confusion et à critique. Dans une deuxième partie, nous analysons les modes de perception des images comme information et comme preuve à l'ère de la domestication des appareils de prise de vues et de leur numérisation.
Du procès d’O.-J. Simpson aux photos de la prison d'Abou Ghraib, les craintes d'un détournement généralisé des usages éthiques des images ont-elles abouti à couper le lien organique qui relie la photographie et le film au réel, ou bien à le renforcer ? Si l'on veut bien prêter intérêt au statut de preuve accordé par la justice aux images fixes et animées, il semble que celui-ci a contribué à en redéfinir le statut de vérité, étape préalable et nécessaire à leur qualification comme pièces à conviction. Au final, amateurs, géographes et artistes ont inventé une nouvelle échelle du regard qui évolue dans des dimensions quantitatives (stock d'images), qualitatives (vues du ciel) et créatrices (vues d'artistes) inédites lesquelles enrichissent au lieu de l'affaiblir notre rapport au monde.
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