lundi 28 janvier 2008

Chaplin. La grande histoire

Cet album est composé de documents pour la plupart inédits mettant en perspective le travail d’écriture et de réalisation de Charlie Chaplin dans Le Dictateur : des sources iconographiques souvent inédites (photographies, affiches, dessins), des manuscrits retraçant la genèse de l’histoire racontée (synopsis, scénarios successifs, notes de visionnement d’actualités, étapes de la conception du discours final) et des journaux de production (convocations de l’équipe, rapports de tournage et de montage). Chaplin, dans Le Dictateur, met en jeu son propre univers sous la pression des événements du monde. La « grande histoire » n’est pas seulement celle à laquelle il se trouve confronté, mais aussi celle qu’il met en récit, en faisant se rejoindre les figures de Charlot et du barbier juif dans l’image du « paria ».

À l’automne 1938, alors qu’en Europe les accords de Munich étaient signés, Charlie Chaplin achevait la première ébauche d’un scénario écrit dans le plus grand secret. Des rumeurs avaient néanmoins circulé ici et là annonçant que le créateur de Charlot avait décidé de réaliser son premier film parlant et qu’il interpréterait un personnage inspiré d’Adolf Hitler.

C’est après un long travail d’écriture et de mise en scène qu’il présente à New York, le 15 octobre 1940,
Le Dictateur. Peut-on imaginer une configuration historique plus exceptionnelle que celle où s’est trouvé Chaplin pendant ces deux années ? En se mesurant à Hitler avec les armes du cinéma, Chaplin allait s’engager personnellement, retrouvant, avec davantage de gravité, l’expérience du Charlot soldat de la Première Guerre mondiale.

Ce combat en faveur de l’idéal démocratique et de la paix est à lui seul un motif suffisant pour retenir l’attention de l’historien. Cependant, Chaplin fit suivre le générique du
Dictateur de cet avertissement : « Toute ressemblance entre Hynkel le dictateur et le barbier juif est une pure coïncidence. » Sous un registre badin, il voulait ainsi signifier que l’essentiel n’était pas dans la tenue de ce double rôle, mais dans la tension qu’il entretint alors avec son double, Charlot. Jusque-là, le « petit vagabond » avait porté par le langage de la pantomime une expérience sensible du monde, et, parce qu’il ne déclinait aucune identité nationale et qu’il ne s’exprimait pas dans sa langue maternelle, il avait touché le cœur des spectateurs de tous les pays. Son immense succès reposait sur une reconnaissance populaire, mais aussi intellectuelle, particulièrement dans la France des années vingt où beaucoup d’artistes et d’écrivains avaient exalté son génie.

Fallait-il, en donnant la parole à Charlot, se résoudre à la mort du personnage qui avait rendu célèbre son créateur, et prendre le risque de s’exposer ainsi sans masque ? L’appel lancé à la fin du
Dictateur trahissait-il, par sa forme déclamatoire, l’impuissance à maintenir le film jusqu’au bout dans un registre esthétique et comique ? Conscient de ces enjeux, Chaplin avait griffonné cette note, que nous reproduisons en exergue sous sa forme manuscrite : « Le Dictateur est mon premier film où l’histoire est plus grande que le petit vagabond. »


Il y a beaucoup de livres, souvent passionnants, certains exceptionnels. Celui de Godard, oui, mais aussi celui de Christian Delage : une façon de comprendre l’histoire, une manière d’aimer le cinéma.
Pascal Mérigeau


Christian Delage ne semble tirer Chaplin que par quelques poils de sa célèbre moustache.
Et pourtant, sous nos yeux émerveillés, Le Dictateur fait florès et c’est tout Chaplin qui vient.
Gérard Lefort


Photos, affiches, dessins, plusieurs versions du scénario, des mémos relatifs à la production du film : un travail unique à tout point de vue.
Samuel Blumenfeld

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